mardi 31 janvier 2017

B- Nécessité de s'en détacher et de trouver des alternatives

En effet lorsque le prénom devient un complexe ou un handicap la personne ressent le besoin d’y remédier. Plusieurs solutions s’offrent alors à elle :
D’abord le CV anonyme (loi du 31 Mars 2006 pour l’égalité des chances) qui est censé permettre de lutter contre les discriminations à l’embauche. Ce type de CV se distingue des autres car, comme son nom l’indique, aucune information permettant d’identifier le postulant n’y figure. Les prénoms et noms sont gommés. Il apparaît alors logique que le handicap prénom soit de ce fait, évité. Il semblerait que cette solution fonctionne dans la plupart des pays européens ; pourtant en France le CV anonyme a plus de mal à s'imposer et devient parfois lui-même un facteur de discriminations.
On voit donc que, en matière de discrimination, l'opinion doit être prête à accepter les changements, obliger (le CV anonyme par exemple) n'est pas toujours efficace tant que les mœurs de la société n'ont pas évolué. Ainsi certains individus préfèrent s'adapter à la société plutôt que l'inverse. C'est le cas de ceux qui modifient leur prénom.


Ensuite la francisation : depuis 1947 en même temps que sa naturalisation, il est possible de demander de franciser son prénom. La francisation consiste à faire perdre aux noms leur aspect et la consonance étrangère. Plus de 9 fois sur 10 le prénom est francisé, il est très rare que ce soit seulement le nom de famille. Pour certains porter un prénom qui sonne plus hexagonale est synonyme de meilleure intégration. Dans la même logique intégration rime avec insertion professionnelle, où le prénom francisé apparaît comme un atout puisqu’il permet de lutter contre la discrimination à l’embauche. D’après les rapports annuels de la direction de la population et des migrations, sous-direction des naturalisations (1966- 2009) : « les ressortissants du Maroc, d’Algérie et de Tunisie : moins de 2% demandent une francisation ». Au contraire «Les Turcs, les Portugais, les Congolais, les Cambodgiens et les Vietnamiens se francisent [...] dans une proportion bien plus importante ». Ce qui met en évidence un des problèmes de la francisation aujourd’hui : cela peut être perçu comme une atteinte à l’identité personnelle. En effet Baptiste Coulmont parle de « reformulation identitaire ». Certaines personnes sont réticentes face à ce procédé qui marque, en quelque sorte, le rejet de leurs origines. Finalement, d’après Baptiste Coulmont : les personnes qui se francisent sont le plus souvent « jeunes, avec un niveau d’instruction élevée, et résidant en France depuis quelques années ».



Enfin le changement de prénom : il apparaît généralement comme le dernier recourt étant le plus radical. D’après Baptiste Coulmont, le prénom est « propriété de l’État » dans le sens où « en changer nécessite une décision de justice ». En effet les français peuvent adopter un prénom dit usuel. Cependant ce dernier n’est pas complètement officiel tant qu’il n’a pas été inscrit à l’état civil. Grâce à cette démarche le changement de prénom est reconnu (il est adopté par les institutions par exemple...). Néanmoins il s’avère qu’en France, le changement de prénom est compliqué. En témoignent les moins de 3000 requêtes par an.
Pourtant depuis 1993 le changement de prénom est facilité – « quand la procédure a été confiée au juge aux affaires familiales » - et grâce aux transsexuels qui obtiennent le droit de changer de prénom. D’ailleurs Jérôme Courduriès inscrit le changement de prénom des transsexuels « dans une double nécessité : affirmer aux yeux de tous la naissance d’une nouvelle personne, mais en même temps affirmer qu’elles sont restées elles-mêmes ». Finalement cette analyse nous paraît pertinente pour la plupart des changements de prénom. Par exemple, Édouard Louis écrit un livre intitulé En finir avec Eddy Bellegueule. Dans cette œuvre autobiographique, il relate son besoin de se détacher de ses origines sociales, de sa famille à laquelle il ne ressemble pas. Il veut afficher sa propre identité ; ce que son ancien prénom ne lui permettait pas de faire. De même Iegor Gran dans La revanche de Kévin décrit un personnage qui a honte de son prénom qui le méprise, il pense mériter mieux. Il se construit alors une nouvelle identité, il choisit Alexandre Janus-Smith comme trompe l’œil.


Nombre annuel de demandes de changement de prénom (1998-2009)



Finalement, le changement de prénom permet de refléter qui l’on veut être où qui l’on est véritablement. Pour autant, la question de modifier son prénom met en évidence une certaine contradiction. Certains sont pour, ils expriment ainsi leur volonté d’appartenir à un groupe. Au contraire, d’autre y voit une forme de déracinement, ils perdent la sensation rassurante d’être rattaché à une communauté.

Cependant, modifier son prénom et l’adapter à la société dans laquelle on évolue est-il obligatoirement une marque de reniement de son histoire ? Changer de prénom suffit-il seulement à faire partie d’un groupe ?

                                                                                                                                                                                  
                                                                                                                                                                                    


Le prénom étant un indicateur social ou d'opinion, les stéréotypes entraînés sont nombreux. D'où une certaine forme de discrimination, notamment à l'embauche. Lorsqu'un individu est régulièrement (voire quotidiennement) victime de discriminations, son estime de lui-même peut être altérée. Il peut alors s'exclure de la société. Face à cette supposée fatalité, il est nécessaire à l’individu de trouver des solutions. Nous en avons distingué deux sortes :
- lorsque la société doit s’adapter à l’individu, c’est le cas pour le CV anonyme par exemple.
- lorsque l’individu s’adapte à la société, via la francisation ou le changement de prénom.

Dans les deux cas, l'individu cherche à s'intégrer : professionnellement et à la société en générale. 

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