Le Prénom
S’appeler Kevin peut-il être un handicap dans sa réussite professionnelle ?
mercredi 1 février 2017
mardi 31 janvier 2017
Introduction :
« Certains prénoms sont comme la bande annonce du destin de ceux qui les portent. A la limite, Bernard
pouvait être un film comique. En tout cas, avec un tel prénom, je n’allais pas révolutionner l’humanité. »
David Foenkinos, La Tête de l’emploi (2014)
L’idée que le prénom a une certaine influence sur la vie de chacun, nous est apparue possible et plutôt
logique. Qui n’a jamais jugé un individu sans même le connaître du fait de son prénom ? Qui ne s’est jamais
demandé si les Kevin réussissaient aussi bien que les Théophile ? En effet, le prénom sert à désigner et à
distinguer un individu. Par conséquent, il nous a frappé que le prénom pouvait être un désavantage, une
marque d’infériorité que l’on doit supporter. Particulièrement, lorsque l’individu aspire à exercer une
activité qui requiert d’être compétent (professionnellement parlant). Qu'en est-il réellement ? Et quelles
solutions peuvent être apportées ?
Ainsi nous nous demanderons si s’appeler Kevin peut être un handicap dans sa réussite professionnelle ?
Nous avons alors limité notre étude à la France et à l’échelle contemporaine, notamment à celle des
générations Y et Z. Ces générations désignent les enfants nés entre le début des années 1980 et 2012
environ.
Pour ce faire, nous allons d’abord établir un constat et mettre en évidence les potentielles discriminations à
l’échelle scolaire et professionnelle.
Ensuite, nous étudierons pourquoi le choix du prénom peut être considéré comme un handicap.
Pour finir nous nous intéresserons aux conséquences sur la réussite professionnelle.
I- Les faits
Tout d’abord nous allons établir plusieurs constats : ils mettent en relation prénoms avec orientation et
réussite scolaire, ainsi que discrimination à l’embauche.
A- Une étude à l'échelle du lycée Victor Louis
Pour commencer, une étude à l’échelle de notre lycée (le lycée Victor Louis à Talence) nous a paru adéquate.
Elle met notamment en relation prénoms et orientations scolaires.
Interprétations des résultats: Annexe 3
Pour les trois filières professionnelles :
Nous remarquons que plus de la moitié (53,8%) des élèves en filière professionnelle ont au moins un de
leurs parents qui est employé ou ouvrier. 17,9% d’entre eux ont un parent qui exerce une profession
intermédiaire. Enfin les 28,3 % restant se partagent entre agriculteurs, artisans/commerçants, cadres ou
autres personnes sans activités professionnelles.
Pour les trois filières générales :
Nous remarquons que les deux tiers (66.3%) des élèves en filière générale ont au moins un de leurs parents
qui est cadre ou qui exerce une profession intermédiaire.16.8% d’entre eux ont un parent employé. Enfin les
16.9% restants se partagent entre agriculteurs, artisans/commerçants, ouvriers ou autres personnes sans
activités professionnelles.
La répartition des prénoms américains en fonction des filières ainsi que la catégorie socio-professionnelle des parents :
Nous avons établi un histogramme empilé.
Pour les filières professionnelles, nous avons regroupé trois classes pour un effectif total de 78 élèves. Sur ces 78 élèves, 10 portent un prénom américain ; soit 12,8%. Parmi ces 10 élèves, 6 ont au moins un de leurs parents employé (60%).
Pour ce faire nous nous sommes basées sur la nomenclature des catégories socio-professionnelles proposée
par l'INSEE ainsi que sur la liste des classes de premières du Lycée Victor Louis. Parmi ces classes de
premières nous en avons choisi six :
- trois en filière générale (S,ES,L)
- une en filière technologique (STMG)
- trois en filière professionnelle (1 professionnelle Comptabilité, 2 professionnelles Gestion Administration)
A partir de là nous avons d’abord établi un diagramme en camembert pour chaque classe. Il met en
relation catégorie socio-professionnelle des parents et choix d'orientation des enfants. Ensuite nous avons
regroupé les filières générales dans un seul diagramme, de même pour les filières professionnelles. Ceci
permet une meilleure compréhension des données car elles en sont d’autant plus significatives.
Enfin, pour relier complètement notre étude à notre sujet nous avons établi un histogramme empilé afin de
mettre en évidence le nombre de prénoms d'origine américaine dans chaque classe et avec quelles
catégories socio-professionnelles ils sont rattachés.
La répartition des prénoms américains en fonction des filières ainsi que la catégorie socio-professionnelle des parents :
Nous avons établi un histogramme empilé.
Pour les filières professionnelles, nous avons regroupé trois classes pour un effectif total de 78 élèves. Sur ces 78 élèves, 10 portent un prénom américain ; soit 12,8%. Parmi ces 10 élèves, 6 ont au moins un de leurs parents employé (60%).
Pour les filières générales, nous avons regroupé trois classes pour un effectif total de 101 élèves. Sur 101
élèves, 5 portent un prénom américain ; soit 5,0%. Leurs parents sont soit ouvriers (20%), chômeurs (20%),
professions intermédiaires (40%) ou cadres (20%).
Pour la filière technologique nous n’avons étudié qu’une classe de STMG pour un effectif total de 34 élèves.
Parmi eux 3 portent un prénom américain. Leurs parents sont ouvriers, employés ou exercent une
profession intermédiaire.
En résumé, les élèves des filières générales ont des parents qui appartiennent majoritairement aux classes sociales supérieures. Au contraire les parents des élèves des filières professionnelles appartiennent aux classes sociales inférieures, pour plus de la moitié d’entre eux.
Ce constat nous oblige à rechercher des études sur des échelles plus importantes pour confirmer ou
infirmer ces résultats.
B- Une étude de Baptiste Coulmont, le nuage de prénoms
A présent, nous allons utiliser une étude de Baptiste Coulmont pour relier prénoms et réussite scolaire.
Baptiste Coulmont a établi un nuage de prénom qui met en évidence une relation entre prénoms et
résultats au bac. Les données portent sur les candidats ayant obtenu 8 ou plus de moyenne et ayant
autorisé la diffusion de leurs résultats. Seuls les prénoms apparaissant plus de 200 fois ont été retenus. Ici
nous n’interpréterons que l'année 2015.
Interprétations des résultats :
Par exemple : En France en 2015, sur les 328 Joséphine, 22% ont obtenu la mention Très Bien au Bac. De
même sur les 291 Sabrina, 3,4% ont obtenu la mention Très bien au bac. Plus généralement on observe que
les prénoms à consonance "maghrébine" ainsi que les prénoms "américanisés" obtiennent des résultats
relativement bas (entre 0% et 5%). Enfin les prénoms plutôt choisis par les classes supérieures se
démarquent, entre 15% et 22% d'entre eux obtiennent la mention très bien au Baccalauréat.
Nous venons d’envisager deux études au niveau scolaire à l’échelle locale et nationale. Désormais une
enquête sur l’impact du prénom dans l’obtention d’un emploi s’impose.
Lien vers le nuage de prénoms : http://coulmont.com/bac/nuage.html
A présent, nous allons utiliser une étude de Baptiste Coulmont pour relier prénoms et réussite scolaire.
Baptiste Coulmont a établi un nuage de prénom qui met en évidence une relation entre prénoms et résultats au bac. Les données portent sur les candidats ayant obtenu 8 ou plus de moyenne et ayant autorisé la diffusion de leurs résultats. Seuls les prénoms apparaissant plus de 200 fois ont été retenus. Ici nous n’interpréterons que l'année 2015.
Interprétations des résultats :
Par exemple : En France en 2015, sur les 328 Joséphine, 22% ont obtenu la mention Très Bien au Bac. De même sur les 291 Sabrina, 3,4% ont obtenu la mention Très bien au bac. Plus généralement on observe que les prénoms à consonance "maghrébine" ainsi que les prénoms "américanisés" obtiennent des résultats relativement bas (entre 0% et 5%). Enfin les prénoms plutôt choisis par les classes supérieures se démarquent, entre 15% et 22% d'entre eux obtiennent la mention très bien au Baccalauréat. Nous venons d’envisager deux études au niveau scolaire à l’échelle locale et nationale. Désormais une enquête sur l’impact du prénom dans l’obtention d’un emploi s’impose.
C- Enquête sur la discrimination à l'embauche
Aujourd'hui, en France, des voix s'élèvent face à des inégalités de recrutement. Pour cela les pouvoirs
publics essaient d'identifier les facteurs de cette discrimination supposée et il s'avère que le prénom peut
parfois en être un.
En témoigne l’enquête « Discrimination à l’embauche selon l’origine : que nous apprend le testing auprès de
grandes entreprises ? » publiée par la Dares et ISM CORUM (cabinet expert en testings) ; le 12 décembre
2016.
Myriam El Khomri, actuellement ministre du travail, est à l’initiative de cette enquête. Elle espère établir
une prise de conscience face aux inégalités de traitement à l’embauche.
Le testing porte sur les recrutements d’une quarantaine de grandes entreprises et entreprises moyennes en
2016 en France.
Pour les grandes entreprises d’abord : Les résultats sont ici représentatifs - respectivement 47% de réponses
favorables pour les candidatures portant des prénoms et noms à consonances « hexagonales » , contre 36%
pour les candidatures à consonances « maghrébines ». Cet écart de 11 points révèle une différence
significative de traitement; les candidatures « maghrébines » étant défavorisées.
(De plus, cette discrimination touche les hommes comme les femmes et quel que soit le poste à pourvoir –
employé autant que manager).
Cependant, pour les entreprises moyennes les résultats sont plus contrastés. « Seuls » douze d’entre elles
présentent des écarts en défaveur des candidatures maghrébines.
A cette enquête s’ajoute une conclusion de Baptiste Coulmont : « Les porteurs d’un prénom marqué,
appartenant pour le sens commun aux populations minoritaires, reçoivent moins de réponses favorables
que les porteurs d’un prénom non marqué » ; d’après plusieurs travaux de [Cediey et Foroni, 2006 ;
Carpusor et Loges, 2006 ; Duguet et al., 2007] :
En somme le constat que l’on tire de ces différentes études tient en quelques mots : les classes sociales
inférieures attribuent plus souvent des prénoms dits « américanisés », les prénoms à consonance étrangère
sont également plus fréquents chez les enfants d’employés et d’ouvriers. Ces mêmes prénoms sont ceux que
nous retrouvons dans les résultats les plus faibles d’obtention de la mention très bien au bac. Enfin les
différents testings réalisés ont révélé une plus forte discrimination de ces prénoms connotés (« marqués »).
Cette première partie nous a permis de constater que le prénom pouvait être un handicap. Maintenant,
nous proposons de développer pourquoi, dans une seconde partie.
Lien vidéo : Il discrimine des demandeurs d'emploi", France 4 (Cam Clash), 2015 pour les éléments en lien avec notre TPE, regarder de 0 :00 à 2 :40 et de 6 :00 à 7 :00)
II- Le choix des prénoms et pourquoi le prénom pourrait être un handicap ?
Ainsi, nous allons étudier les différents facteurs qui influenceraient le choix du prénom et ce qu’ils reflètent.
A- Le prénom, un indicateur de l'opinion public
En effet certains prénoms nous rappellent à des souvenirs plus particulièrement à des individus que l'on a
plus ou moins appréciés... Si votre pire ennemi en 4ème s'appelait Antoine il est évident qu'il ne figurera pas
dans la liste des prénoms pour votre futur enfant. En revanche il est plus probable que Samuel, aujourd'hui
charmant chirurgien sur la côte d'azur, soit finalement un prénom très appréciable.
mybabyinamerica.com
L’impact sur la vie future est ici insignifiant, qu'en est-il lorsque le prénom devient un indicateur d’opinion
publique ?
Par exemple, le prénom Adolph, à jamais associé au dictateur nazi Adolph Hitler n'est plus donné (sauf très
rares exceptions). En effet, d’après Baptiste Coulmont « il est possible de considérer le choix des prénoms
comme la manifestation de valeurs, d’attitudes ou de certaines opinions ». Il devient alors un handicap dans
la mesure où les interlocuteurs ont des convictions opposées. Dans la même logique, les prénoms connotés
par des origines, quelles qu'elles soient, peuvent devenir un handicap.
B- L'influence des origines (ethniques, régionales, sociales,...)
Parfois le prénom reflète nos origines. Pour nous rattacher à une histoire, un patrimoine... Les parents
veulent ainsi nous rappeler nos racines, d'où l'on vient. On remarque ce phénomène, d'abord au niveau
local : par exemple, les prénoms bretons en Bretagne connaissent un essor important depuis 1985. C'est un
fait, particulièrement dans les régions qui ont une forte identité culturelle, comme le pays Basques,
l'Occitanie...
Proportions de prénoms bretons en Bretagne (1946-2008)
Au niveau national : certains prénoms ont des consonances étrangères. Par exemple s'appeler Joao revient pour la plupart des gens à être portugais. Finalement le prénom d'un individu peut être rattaché à l'immigration.
slate.fr
De même les prénoms ont parfois des consonances religieuses. Il se peut qu'ils soient en lien avec les
croyances de ceux qui les ont attribués. Dans ce cas ils font souvent références à des figures emblématiques
religieuses comme Abraham (judaïsme), Mahommed (l'islam), Teresa (christianisme)... L'appartenance
religieuse de ceux qui les portent peut alors être présumée, parfois à tort. On peut s'appeler Fatma sans
être pour autant musulmane.
Porter un prénom qui souligne ses origines ou ses croyances (plus particulièrement celles de ses parents)
peut être nuisible. En effet l’interlocuteur aura souvent tendance à être moins objectif. Le risque étant d’être
enfermé dans une case, d’être toujours victime des amalgames.
Enfin les prénoms peuvent glisser progressivement d'une classe sociale à une autre au cours du temps et de
manière hiérarchique. En effet les classes supérieures adoptent certains prénoms à un moment donné, ils
marquent alors une forme d'élitisme (manière de se démarquer). Plus tard ils sont imités par les classes
inférieures. Dès lors ces prénoms perdent leur valeur et sont délaissés par les cadres et les personnes
exerçant une profession intellectuellement supérieure. (D’après une théorie de Pierre Bourdieu sur le
rapport de dominant/dominés). Finalement comme le conclu Jean-François Amadieu dans les clés du destin,
« dans les années 1960 ou 1970, les clivages sociaux s'expriment par des retards ou des avances dans le
moment du choix du prénom. » Suivant l’année de la naissance il est donc facile d’en déduire l’origine
sociale, qui peut être un handicap.
Cependant aujourd'hui les choix sont plus tranchés entre les différents milieux. Par exemple les prénoms
d'origine anglo-américaine sont plus plébiscités par les milieux populaires. A l’inverse les classes supérieures
vont préférer des prénoms classiques comme : Théophile, Louise, Joséphine... Actuellement les goûts
s’expriment d’avantages ce qui fait du prénom un marqueur social d’autant plus significatif. Par ailleurs ces
fameux goûts sont fortement influencés par certains facteurs extérieurs, comme les médias, la mode...
C- L'influence des médias, et personnages célèbres
Lorsqu'on parle de l’influence des médias dans le choix du prénom, il s’agit plus d’un fort engouement que
d’une véritable mode. En effet, le phénomène est momentané, l‘attribution de certains prénoms est
fulgurante mais elle redescend aussi vite. En témoigne par exemple Iegor Gran dans son livre la revanche de
Kevin ; « Est-ce alors une coïncidence que plus de 14 000 Kevin jaillissent du néant pour la seule année
1991 » (Exactement 13 712 d’après l’INSEE). A cette époque Kevin Costner, acteur beau et talentueux, fait
rêver les françaises.
topito.com
Les célébrités sont affichées dans les médias, c’est là qu’ils modèlent leur image et développent une
certaine popularité ou au contraire s’attirent l’inimitié du public. C’est pourquoi nous pouvons affirmer que
les médias jouent un rôle dans l’appréciation que les gens se font de certaines personnes et donc de certains
prénoms. Finalement les médias peuvent orienter l’opinion publique et déclencher un engouement
cependant cela ne fonctionne qu’à court terme.
Par ailleurs nous remarquons que les classes inférieures (employés, ouvriers,...) sont plus influencées par les
médias. En effet d’après notre étude basée sur les listes de classes du lycée Victor Louis (un seul parent est
considéré ici):
- sur cinq Dylan, deux ont un parent employé, un a un parent ouvrier et les parents des deux restants sont au chômage.
- Sur cinq Kevin, trois ont un parent ouvrier, un a un parent employé, le dernier est non renseigné.
Si se laisser influencer par les médias est perçu comme un signe de superficialité, s’appeler Kevin ou Dylan
par exemple serait donc un handicap.
En revanche les classes sociales supérieures ont tendance à choisir des prénoms classiques, qui rappellent
des figures emblématiques de l’histoire, comme des écrivains, poètes, peintres, politiques... pour marquer
une forme d’élitisme. Indirectement en attribuant ces prénoms à leurs enfants ils voudraient les diriger vers
la voie de la réussite. De plus les classes sociales supérieures préfèrent les prénoms originaux, d’ailleurs ces
dernières sont souvent à l’origine du renouvellement du stock de prénoms. Stéphanie Rapoport affirme que
« reprendre ces prénoms du passé est un signe d’innovation ». Finalement ces prénoms rétro ont pour
objectif de distinguer l’enfant des autres soit par son originalité, son côté novateur soit par la référence
historique qu’il porte. Dans ce cas-là, porter ce type de prénoms peut-être plus valorisant.
Ces différences sont encouragées par la libéralisation du choix du prénom. Cependant la mode oblige
toujours certaines similitudes.
D- La libéralisation du choix et l'influence de la mode
Le stock de prénoms s'est considérablement élargi depuis le milieu du XXème siècle. En effet, par exemple « de 1946 à 1970, moins de 40 prénoms suffisaient à nommer la moitié des enfants nés en Bretagne ; en
2002, il en faut 109 ».
Nombre de prénoms nécessaire pour nommer la moitié des naissances
Ceci s'explique par la libéralisation du choix. Il appartient aujourd’hui aux officiers de l’Etat civil de juger de
la recevabilité du prénom, s'il va à l’encontre de l’intérêt de l’enfant. Tâche difficile parce que subjective ; de
manière presque arbitraire ils peuvent en avertir le procureur de la République. La démarche juridique qui
s’ensuit est longue ; il est donc très rare de voir un prénom refusé. Autre facteur, la nécessité d’originalité,
la France compte de plus en plus de prénoms rares.
Aujourd’hui l'enfant ne doit pas porter le même prénom que son voisin, il doit être unique. Cela donne lieu
à des stratégies de la part des parents, notamment :
- de nouvelles orthographes, exemple –Anna/Ana/Hanna/Annah... Mathis/Matthis/Matthys...
- des prénoms insolites, exemple – Google/Facebook /Hashtag/Nutella/Fraise/Titeuf...
camille-blogbd.com
Les lois n’encadrant presque plus le choix du prénom, le risque est l’anarchie. Il existe encore,
heureusement, une surveillance en la matière. Exemple : en octobre 2006, la cour d'appel de Montpellier a
refusé les prénoms "Patriste" et "Joyeux" (pour des jumeaux). L'argument étant qu'ils "sont de nature, en
raison de leur caractère fantaisiste, voire ridicule, à créer des difficultés et une gêne effective pour l’enfant.
Aussi, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne la suppression de ces deux prénoms
qu’il échet de remplacer par les prénoms de « Roger » et « Raymond »“. Plus récemment (17 octobre 2014),
à Raisne, dans le Nord, le prénom Fraise a été refusé car il a été estimé qu'il “serait nécessairement à
l’origine de moquerie notamment l’utilisation de l’expression ‘ramène ta fraise’, ce qui ne peut qu’avoir des
répercussions néfastes sur l’enfant”.
*"Quand la justice refuse des prénoms", Franceinfo, 2012
Néanmoins à trop vouloir distinguer son enfant, on en arrive à des proportions démesurées. Ces prénoms
devenant risibles, voire totalement handicapants.
Par ailleurs si les prénoms sont de plus en plus différents, le choix reste conditionné/régit par la mode.
Actuellement les prénoms courts sont privilégiés, ainsi que certaines sonorités et terminaisons.
Le succès de quelques terminaisons féminines
Par exemple pour les filles, les prénoms en –ette sont à bannir ; en revanche ceux en –a ou ah sont en
vogue. En témoigne l’officiel des prénoms de Stéphanie Rapoport où figurent en tête Lola, Emma, Léa... En
ce qui concerne les garçons, les terminaisons en « o » sont plus prisées comme Léo, Timéo, Enzo, et Hugo
entre autres...
En 2016, s’appeler Henriette quand on est une adolescente française ... un atout? ou un poids?
Finalement ceci souligne le fait qu’un prénom trop marginal peut être handicapant.
La carrière de quelques prénoms féminins
En résumé, le prénom est un indicateur et ce à plusieurs échelles.
En effet, il peut renvoyer à certaines valeurs propres à une communauté, comme une ethnie ou une religion par exemple.
Il peut également souligner l'appartenance à un environnement social particulier
- grâce à l'époque à laquelle il a été donné
- grâce à la distinction des goûts entre les différentes classes sociales.
- grâce à la référence plus ou moins prononcée à une célébrité ou à un personnage célèbre.
De plus, si la mode oblige certaines normes, l'individu au prénom trop marginal peut être exclu.
Ainsi, le prénom n'est pas un problème en soit, cependant il est le reflet de l'histoire d'un individu. Son handicap s'exprime et s'explique alors dans les difficultés à intégrer son histoire avec les codes de la société.
Par conséquent, le prénom peut être un handicap à cause de ce qu'il véhicule... nous exposerons alors les potentielles conséquences sur notre réussite professionnelle.
III-Les conséquences sur notre réussite professionnelle
Enfin nous allons identifier les conséquences que peut avoir le prénom sur la réussite professionnelle et les
alternatives possibles à ce handicap.
A- Un prénom étiquette qui est discriminant
Nombreux sont les stéréotypes accolés à certains milieux. Le prénom étant un marqueur social cuisant, dans
le cadre de la réussite professionnelle il peut devenir un handicap. En effet le stéréotype devient l'ombre du
prénom. Iegor Gran écrit d'ailleurs « Les Kévin ont tous les défauts du monde. », « des symboles de mauvais
goût, de beaufitude, de superficialité », « un marqueur social de la médiocrité crâne »... Le prénom nous
colle à la peau. Marqués au fer rouge par nos origines sociales, s'en suivent les discriminations, à
l'embauche notamment mais pas seulement... Toujours Iegor Gran, en parlant de Kevin : « devant les
premières baffes de la vie, qu'il paraît moins bien armé que nombre de ses camarades », « il ne parvient
jamais à décrocher les meilleurs stages »... Autre exemple, une lolita sera condamnée à n'être que jolie et ne
décrochera que difficilement un emploi de cadre. « il y a des prénoms prédestinés aux pires beaufitudes »,
« Brandon, Duncan, Marie-Chantal, Juvénal, Samantha » Finalement dès que nous sommes confrontés à une
sélection le prénom peut avantager ou au contraire handicaper. Le prénom étant la première présentation
de l'individu, c'est le premier facteur de jugement sur lequel l'interlocuteur se base pour le cerner. Il ne sera
donc plus totalement objectif pour se faire une idée de la personne. De ce fait ses chances d'être retenu
seront augmentées ou à l'inverse diminuées.
En résulte parfois une baisse de l'estime de soi. L'accumulation des refus ou moqueries peut même dans
certains cas influencer la réussite En effet le prénom discriminé est perçu comme un poids pour celui qui le
porte, comme Iegor Gran l'affirme : « ne le rend pas moins difficile à porter ». La confiance s'estompe peu à
peu, l'impression qu'une étiquette est collée sur le front, un bouton au bout du nez qui persiste et grossit.
Quel que soit l'interlocuteur, la question « comment t'appelles tu ? » gêne. Kevin (par exemple) éprouve le
sentiment que le jugement est proche et que ses chances d'être apprécié à sa juste valeur sont moindres.
« Ké...Je m’appelle Kévin ». « Il vit alors Pierre tiquer nettement- ou était-ce un mirage ? » (Iegor Gran- La
revanche de Kévin) Il perçoit donc son prénom comme un frein dans l'ascension de sa réussite
professionnelle. Il en a honte. De ce fait il lui est peut-être plus difficile de s'intégrer aux groupes auxquels il
aspire. Cependant il peut également profiter de cette épreuve pour affirmer son caractère, s’affranchir de
la moquerie et construire sa personnalité face à ces difficultés (Eddy Bellegueule en est le parfait exemple).
Ainsi, dans les deux cas l’individu peut chercher à s'en détacher et trouver des alternatives.
B- Nécessité de s'en détacher et de trouver des alternatives
En effet lorsque le prénom devient un complexe ou un handicap la personne ressent le besoin d’y remédier.
Plusieurs solutions s’offrent alors à elle :
D’abord le CV anonyme (loi du 31 Mars 2006 pour l’égalité des chances) qui est censé permettre de lutter
contre les discriminations à l’embauche. Ce type de CV se distingue des autres car, comme son nom
l’indique, aucune information permettant d’identifier le postulant n’y figure. Les prénoms et noms sont
gommés. Il apparaît alors logique que le handicap prénom soit de ce fait, évité. Il semblerait que cette
solution fonctionne dans la plupart des pays européens ; pourtant en France le CV anonyme a plus de mal à
s'imposer et devient parfois lui-même un facteur de discriminations.
On voit donc que, en matière de discrimination, l'opinion doit être prête à accepter les changements,
obliger (le CV anonyme par exemple) n'est pas toujours efficace tant que les mœurs de la société n'ont pas
évolué. Ainsi certains individus préfèrent s'adapter à la société plutôt que l'inverse. C'est le cas de ceux qui
modifient leur prénom.
Ensuite la francisation : depuis 1947 en même temps que sa naturalisation, il est possible de demander de
franciser son prénom. La francisation consiste à faire perdre aux noms leur aspect et la consonance
étrangère. Plus de 9 fois sur 10 le prénom est francisé, il est très rare que ce soit seulement le nom de
famille. Pour certains porter un prénom qui sonne plus hexagonale est synonyme de meilleure intégration.
Dans la même logique intégration rime avec insertion professionnelle, où le prénom francisé apparaît
comme un atout puisqu’il permet de lutter contre la discrimination à l’embauche. D’après les rapports
annuels de la direction de la population et des migrations, sous-direction des naturalisations (1966-
2009) : « les ressortissants du Maroc, d’Algérie et de Tunisie : moins de 2% demandent une francisation ».
Au contraire «Les Turcs, les Portugais, les Congolais, les Cambodgiens et les Vietnamiens se francisent [...]
dans une proportion bien plus importante ». Ce qui met en évidence un des problèmes de la francisation
aujourd’hui : cela peut être perçu comme une atteinte à l’identité personnelle. En effet Baptiste Coulmont
parle de « reformulation identitaire ». Certaines personnes sont réticentes face à ce procédé qui marque, en
quelque sorte, le rejet de leurs origines. Finalement, d’après Baptiste Coulmont : les personnes qui se
francisent sont le plus souvent « jeunes, avec un niveau d’instruction élevée, et résidant en France depuis
quelques années ».
Enfin le changement de prénom : il apparaît généralement comme le dernier recourt étant le plus radical.
D’après Baptiste Coulmont, le prénom est « propriété de l’État » dans le sens où « en changer nécessite une
décision de justice ». En effet les français peuvent adopter un prénom dit usuel. Cependant ce dernier n’est
pas complètement officiel tant qu’il n’a pas été inscrit à l’état civil. Grâce à cette démarche le changement
de prénom est reconnu (il est adopté par les institutions par exemple...). Néanmoins il s’avère qu’en France,
le changement de prénom est compliqué. En témoignent les moins de 3000 requêtes par an.
Pourtant depuis 1993 le changement de prénom est facilité – « quand la procédure a été confiée au juge
aux affaires familiales » - et grâce aux transsexuels qui obtiennent le droit de changer de prénom. D’ailleurs
Jérôme Courduriès inscrit le changement de prénom des transsexuels « dans une double nécessité :
affirmer aux yeux de tous la naissance d’une nouvelle personne, mais en même temps affirmer qu’elles sont
restées elles-mêmes ». Finalement cette analyse nous paraît pertinente pour la plupart des changements de
prénom. Par exemple, Édouard Louis écrit un livre intitulé En finir avec Eddy Bellegueule. Dans cette œuvre
autobiographique, il relate son besoin de se détacher de ses origines sociales, de sa famille à laquelle il ne
ressemble pas. Il veut afficher sa propre identité ; ce que son ancien prénom ne lui permettait pas de faire.
De même Iegor Gran dans La revanche de Kévin décrit un personnage qui a honte de son prénom qui le
méprise, il pense mériter mieux. Il se construit alors une nouvelle identité, il choisit Alexandre Janus-Smith
comme trompe l’œil.
Nombre annuel de demandes de changement de prénom (1998-2009)
Finalement, le changement de prénom permet de refléter qui l’on veut être où qui l’on est véritablement.
Pour autant, la question de modifier son prénom met en évidence une certaine contradiction. Certains sont
pour, ils expriment ainsi leur volonté d’appartenir à un groupe. Au contraire, d’autre y voit une forme de
déracinement, ils perdent la sensation rassurante d’être rattaché à une communauté.
Cependant, modifier son prénom et l’adapter à la société dans laquelle on évolue est-il obligatoirement une
marque de reniement de son histoire ? Changer de prénom suffit-il seulement à faire partie d’un groupe ?
Le prénom étant un indicateur social ou d'opinion, les stéréotypes entraînés sont nombreux. D'où une
certaine forme de discrimination, notamment à l'embauche. Lorsqu'un individu est régulièrement (voire
quotidiennement) victime de discriminations, son estime de lui-même peut être altérée. Il peut alors
s'exclure de la société. Face à cette supposée fatalité, il est nécessaire à l’individu de trouver des solutions.
Nous en avons distingué deux sortes :
- lorsque la société doit s’adapter à l’individu, c’est le cas pour le CV anonyme par exemple.
- lorsque l’individu s’adapte à la société, via la francisation ou le changement de prénom.
Dans les deux cas, l'individu cherche à s'intégrer : professionnellement et à la société en générale.
Conclusion :
Pour conclure, il semblerait que s’appeler Kevin peut être un handicap dans sa réussite profession-
nelle. Effectivement les faits démontrent que certains prénoms sont parfois victimes de discriminations.
Elles peuvent s’expliquer différemment : au niveau scolaire, le handicap est inconscient. Suivant sa classe
sociale d’appartenance l’individu serait plus ou moins bien armé pour réussir, ceci expliquerait la différence
dans les choix d’orientation. Le prénom reflète parfois ce phénomène, ce sont les prénoms « marqués ». En
effet grâce à notre étude au lycée, la surreprésentation des catégories sociales dites inférieures dans les fi-
lières professionnelles est démontrée. Ici c’est donc l’origine sociale qui influence la réussite. En revanche,
le lien entre le prénom et la réussite au bac ou le choix d’une filière n’est pas avéré. Tandis qu’au niveau de
l’embauche, la discrimination se fait par le biais d’une tiers personne. Le prénom étant parfois stéréotypé,
cette dernière peut juger l’individu. La discrimination et le handicap s’expliquent alors par l’incompatibilité
de cette histoire avec les codes de la société. Dans tous les cas le prénom reflète l’histoire de l’individu ;
ses origines ou sa classe sociale par exemple. Le prénom peut devenir un facteur d’exclusion, la réussite
professionnelle est donc parfois compliquée. Pour s’émanciper de cette difficulté, deux types d’individus se
distinguent, ceux qui vont chercher à s’adapter à cette société qui les refuse et ceux qui vont préférer obli-
ger la société à s’adapter à leur handicap. Finalement le prénom dépend d'hier, est significatif aujourd'hui
et aura des conséquence demain. Il est le reflet de l’histoire d’un individu et ne peut être un handicap que
lors d’une interaction avec une tiers personne.
Pour autant certaines limites sont à souligner. Le prénom sera différemment interprété selon le lieu et
l'époque. En 1910 Lucien était plutôt fils de paysan, tandis qu'en 2017 il sera certainement fils de cadre.
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